L’économie de l’abonnement : Quelques chiffres pour comprendre son essor [étude McKinsey]
L’économie de l’abonnement est en plein essor et conquiert chaque jour de nouveaux marchés. Le développement de l’abonnement constitue une opportunité pour les entreprises – et pas uniquement pour celles commercialisant des services numériques. Une étude très intéressante de McKinsey nous le rappelle. Nous avons souhaité vous en partager les principaux chiffres et enseignements.
Ce qui fait l’intérêt de cette étude, c’est le choix fait par le célèbre cabinet de conseil de se concentrer sur les abonnements à des produits physiques : box à abonnement, capsules Nespresso, rasoirs, etc. Il ne sera donc pas question de Netflix, de Spotify ou des SaaS. L’article que vous allez lire complète celui que nous avons déjà consacré aux tendances 2020 en matière de Business Models d’abonnement, qui faisait la part belle aux abonnements à des services numériques.
Le marché des abonnements à des produits, qui croît de 100% par an dans le monde, est plus développé aux Etats-Unis qu’en France. Selon Mc Kinsey, 15% des Américains sont abonnés à un ou plusieurs services de livraison à domicile de produits. Le marché français est moins mature, même si l’on commence à voir apparaître des offres d’abonnement à des produits. Qui aurait cru il y a quelques années que l’on pourrait s’abonner en France à des capsules Nespresso ? Les choses vont très vite – et risquent de s’accélérer.
Cabinet de conseil en Abonnements, CustUp accompagne les organisations de toutes tailles et de tous secteurs dans la structuration ou l’optimisation des activités d’abonnement.
De plus en plus de personnes s'abonnent pour recevoir des produits physiques
L’abonnement gagne du terrain d’année en année. De plus en plus de services, mais aussi de produits, sont commercialisés sous la forme d’abonnements. De nouveaux marchés s’ouvrent à ce business model – y compris des marchés improbables. Nous évoquions précédemment l’exemple de Nespresso, qui propose maintenant à ses clients une offre d’abonnement :
Aujourd’hui, aux Etats-Unis, 15% des acheteurs en ligne déclarent avoir souscrit un abonnement à des produits au cours de la dernière année.
Ce qu’il faut comprendre : Parmi les personnes qui disent acheter régulièrement sur internet :
- 35% déclarent être abonnés uniquement à des services de streaming (comme Netflix par exemple).
- 4% déclarent avoir souscrit uniquement des offres d’abonnement à des produits physiques (capsules de café, lames de rasoirs…).
- 11% déclarent être abonnés aux deux : services de streaming + produits physiques.
L’abonnement à des produits physiques reste donc minoritaire aux USA, mais n’est plus du tout négligeable.
Quel est le profil des abonnés ?
Quel est le profil type des individus qui souscrivent des offres d’abonnement à des produits physiques ? L’étude apporte des éclairages intéressants sur ce sujet. Rappelons que l’étude se concentre sur le marché US (cf. la méthodologie de l’étude en fin d’article).
Pour résumer, l’abonné type est :
- Plutôt jeune : Entre 25 et 44 ans.
- Plutôt urbain. Il habite plus dans l’ère urbaine du Nord-Est des Etats-Unis que dans la campagne texane.
- Plutôt aisé financièrement. Il gagne en général entre $50 000 et $100 000.
- Plutôt une femme. Elles représentent 60% des abonnés à des offres de livraison de produits.
Les hommes souscrivent en moyenne plus d’abonnements que les femmes
Si les individus de sexe féminin sont surreprésentés dans la population des abonnés, les hommes ont en moyenne plus d’abonnements actifs par individu que les femmes :
- 42% des hommes ont au moins 3 abonnements actifs, contre 28% des femmes.
- 18% des hommes ont au moins 6 abonnements actifs, contre seulement 7% des femmes.
Les trois formes d’abonnement à des produits physiques : Réapprovisionnement, Curation, Accès
Pour les besoins de son étude, McKinsey a choisi de distinguer trois types d’abonnements :
- Les abonnements de réapprovisionnement (replenishment), qui permettent à l’abonné d’automatiser l’achat de produits de consommation courante comme les rasoirs, les capsules de café ou les couches culottes. Les abonnements proposés par Amazon font partie de cette famille.
- Les abonnements de « curation », que l’on souscrit pour le plaisir d’être surpris tous les mois par des objets inattendus et de vivre des expériences personnalisées. Un exemple ? Les box beauté. Les abonnements BirchBox font partie de cette famille.
- Les abonnements « accès », qui donnent accès à des remises exceptionnelles, à des prix avantageux, à des produits exclusifs, etc. Ce type d’abonnements est encore peu répandu en France et reste marginal y compris aux USA. Un exemple US ? Naturebox :
Les abonnements de « curation » représentent 55% des abonnements à des produits physiques, suivis par les abonnements de réapprovisionnement (32%) et les abonnements d’accès (13%).
Voici les 10 principales plateformes proposant des offres d’abonnement aux USA :
Signalons qu’Amazon et Dollar Shave Club sont loin devant le troisième : Blue Apron. Dollar Shave Club est un site web commercialisant des produits d’hygiène (notamment de rasage, mais pas uniquement) pour hommes. L’entreprise, lancée en 2011, a connu un succès fulgurant et fait aujourd’hui figure de référence dans le domaine de l’abonnement… La plupart des sites du Top 10 proposent des offres à $10 ou moins. D’autres, comme Blue Apron ou Stitch Fix, proposent des prix plus élevés – ce qui leur permet d’avoir un meilleur taux de marge et donc de générer plus de revenus avec une base clients moins importante.
Qu’est-ce qui pousse un client à souscrire un abonnement, à poursuivre son abonnement et, le cas échéant, à résilier son abonnement ?
Pourquoi les clients se tournent-ils de plus en plus vers des offres d’abonnement ? Certainement pas par amour naturel de ce modèle économique. Au contraire, le fait de devoir s’inscrire, de devoir s’engager, de devoir payer régulièrement a plutôt tendance à diminuer la demande pour ce type d’offres. Tous les professionnels de l’abonnement vous le diront : l’acquisition client est structurellement plus complexe dans les activités d’abonnement.
Pourquoi est-ce qu’un client décide de s’abonner ? Pourquoi décide-t-il de poursuivre son abonnement ? Qu’est-ce qui peut l’amener à résilier son abonnement ? McKinsey a mené l’enquête et fournit des réponses particulièrement intéressantes sur ce sujet.
Le graphique ci-dessus indique les 3 principaux motifs qui poussent un individu à souscrire un abonnement à des produits physiques :
- Pour essayer quelque chose de nouveau, expérimenter de nouvelles choses, faire des découvertes, se laisser surprendre. Cette raison est la première invoquée dans le cas des abonnements de curation – sans surprise.
- Parce qu’il y a un avantage financier à s’abonner. C’est la principale raison mise en avant dans le cas des abonnements de réapprovisionnement.
- La recommandation. Je m’abonne parce que l’offre a été recommandée par un influenceur ou par un proche.
Ce deuxième graphique permet de comprendre les raisons qui amènent un abonné à poursuivre son abonnement. Les raisons ne sont pas les mêmes suivant le type d’abonnements en question :
- Pour les abonnements de réapprovisionnement, c’est la commodité (convenience), le rapport qualité-prix et la personnalisation des offres qui arrivent en tête des raisons.
- Pour les abonnements dits de curation et les abonnements d’accès, la personnalisation de l’expérience abonné est de loin la raison principale de la rétention. Pour ces deux types d’abonnements, la capacité de l’entreprise à offrir une expérience personnalisée est clé pour limiter le churn. La réussite de ces modèles d’abonnement repose donc sur une bonne connaissance des préférences abonnés et sur la capacité de l’entreprise à construire des offres sur-mesure à partir des préférences abonnés (via des technologies d’IA par exemple).
Dernière question : Qu’est-ce qui pousse un abonné à résilier son offre ? Le graphique qui suit apporte des éléments de réponses :
On remarque que les principales raisons exprimées sont les mêmes pour les trois familles d’abonnements. On retrouve le même Top 3 :
- Le mauvais rapport qualité-prix. C’est la raison principale de résiliation des abonnements « Curation » et « Accès ».
- Une insatisfaction relative au produit ou à l’expérience vécue (par exemple, dans le cas des box à abonnement : une sélection de produits qui ne répond pas aux attentes).
- Une préférence pour l’achat en cas de besoin.
Ces enseignements révèlent le principal challenge pour une organisation proposant des offres d’abonnement : réussir à faire matcher au plus près l’offre et la demande – les produits proposés d’un côté et les besoins / attentes des clients de l’autre. Cette adéquation concerne aussi bien la nature des produits que les volumes délivrés (c’est ce dont témoigne la troisième raison).
Acquisition & Taux de conversion des offres d'abonnement
Convertir des abonnés est un vrai challenge :
- Sur le volet Acquisition : Aux USA, seulement 53% des consommateurs connaissent l’un des sites du Top 10 (cf. supra). Si tout le monde connaît Netflix, relativement peu de personnes savent pour le moment qu’il est possible de s’abonner à un service de livraison de couches bébé !
- Sur le volet Conversion : Seulement 55% des personnes qui découvrent une offre d’abonnement font le choix d’y souscrire, sans doute parce que les gens, dans l’ensemble, restent réticents à l’idée de s’engager sur le long-terme. Les offres de réapprovisionnement affichent de meilleurs taux de conversion (65%).
Le taux de churn est sans aucun doute l’un des principaux, voire le principal KPI pour mesurer la performance d’un modèle d’abonnement. La performance d’une activité d’abonnement repose donc sur la capacité de l’entreprise à nourrir et développer une relation abonnés sur le long terme. La qualité et la richesse de cette relation permettent en retour de mieux connaître ses abonnés, leurs comportements, leurs préférences afin de personnaliser l’expérience.
Méthodologie de l’étude
McKinsey a recueilli les données de son étude au moyen d’un questionnaire en ligne diffusé entre le 8 et le 12 novembre 2017. 5 093 citoyens américains ont participé à l’étude.
Le Regard de CustUp
Nous avons la conviction que l’essor de l’économie de l’abonnement et son extension à des secteurs autrefois éloignés de ce modèle constituent une tendance forte. Nous sommes convaincus que ce modèle économique a de beaux jours devant lui. Il est bénéfique à la fois pour le consommateur (pour sa souplesse, sa modularité) et pour l’entreprise (pour la récurrence, la prévisibilité des revenus).
Cette étude de McKinsey nous stimule dans nos convictions :
- L’émergence forte d’une économie de l’usage. De plus en plus, l’économie de la possession est remplacée par une économie de l’usage. C’est un point que nous avions abordé dans notre article sur les tendances 2020 des Business Models d’abonnement. Nous assistons à un vrai shift, dont les implications dépassent les enjeux strictement économiques. Les consommateurs tendent à privilégier les achats raisonnés liés à un besoin réel de consommation (on demand) et les offres sur-mesure. Les offres d’abonnement répondent à ces attentes. La modularité des offres permet un alignement plus optimal de l’offre et de la demande de services / de produits.
- La praticité offerte par les abonnements. L’essor des abonnements de réapprovisionnement illustre une demande croissante de la part des profils urbains, dont le temps est compté. L’abonnement à des produits physiques permet de se simplifier la vie. Gagner du temps, ne plus avoir à se soucier de certains achats courants : c’est une demande en croissance – charge aux marques de produits physiques d’y répondre. Comment ? En construisant un Business Model d’abonnement !
- La nécessité de proposer des offres non contraignantes. Cette étude met l’accent sur la réticence native des consommateurs à souscrire à des offres d’abonnement. L’abonnement suppose a priori un engagement. Les relatifs faibles taux de conversion aux offres d’abonnement s’expliquent par cette raison. La solution pour éliminer ce frein ? Proposer des offres d’abonnement sans engagement, à l’instar de Netflix. Les offres d’abonnement sans engagement réduisent considérablement les freins liés à l’engagement au moment de la conquête.
- L’importance de proposer des offres flexibles. La flexibilité des offres – inséparable de l’objectif du « sur-mesure » – est un moteur de performance des modèles d’abonnement. S’adapter aux besoins du client, leur donner la possibilité d’upsell ou de downsell facilement. L’abonnement ne doit plus rimer avec rigidité, mais avec flexibilité. Les offres doivent s’ajuster aux besoins et aux attentes des abonnés. C’est une clé pour réduire l’attrition abonnés.
- L’importance de traiter ses abonnés comme des VIP. Un abonné est un client qui a fait preuve d’une démarche d’engagement forte. Cet engagement doit être reconnu par l’entreprise, il doit être valorisé. La marque doit accorder une attention privilégiée aux clients abonnés. Un abonné est un client de haut niveau, il coûte plus cher à acquérir. La marque doit mettre des efforts pour le conserver le plus longtemps. Comment ? En récompensant l’engagement et la fidélité. L’entreprise a tout à y gagner : la poursuite et l’allongement de la relation – mais aussi la recommandation.
- L’importance du pilotage et du reporting. La mesure de la performance du portefeuille d’abonnés est un art. Le suivi de l’attrition – du « churn » – est essentiel. Clairement, le taux de churn est le principal KPI de la mesure de la performance d’un portefeuille abonnés. Les upsells et les downsells sont aussi des indicateurs à suivre de près. Ils témoignent de l’évolution (positive ou négative) de l’engagement des abonnés.
Consultante experte en Abonnement et en Données Clients, Florence Schamberger accompagne les organisations dans la structuration et l’amélioration de leur modèle d’abonnement.