À la rencontre d’Olivier Guillaume, Spécialiste en Data Marketing & Analytics
Grâce à son expertise en Data Marketing, Olivier Guillaume lutte au quotidien contre l’excès d’outils et de complexité dans le domaine des Données Marketing. Il travaille à ce que le marketing retrouve sa véritable place de créateur de valeur en entreprise, en apportant des réponses concrètes aux questions business (auxquelles personne ne sait répondre aujourd’hui, malgré la profusion des outils d’analyse).
Fondateur de QUANTI:, Olivier Guillaume se positionne aujourd’hui comme un Spécialiste en Analytics et Data Marketing. Voici ce que vous allez découvrir dans cette interview :
- Le gros problème des données marketing aujourd’hui (et comment le contourner, même avec le RGPD).
- Comment faire pour (enfin) répondre aux questions business qui importent vraiment (comme “combien me coûte un nouveau client sur Facebook le mois dernier ?”).
- Les 2 raisons qui ont complexifié l’analyse des données marketing ces 5 dernières années.
- L’indicateur marketing à suivre absolument (bien plus important encore que le taux de conversion).
- Le piège de la mesure du marketing digital depuis plus de 10 ans (et comment ne pas tomber dedans vous aussi).
Découvrez la retranscription du témoignage d’Olivier GUILLAUME
Si tu devais résumer les 3 temps forts de ton parcours jusqu’ici, tu dirais…
Premier temps fort : je complète mon parcours d’ingénieur par un Master en Marketing en 2010. J’y vois un parallèle évident avec le fait que le marketing digital se couple désormais au data-engineering.
Autre moment marquant : début 2021, je me rends compte que tous les clients que j’accompagne à l’époque en consulting rencontrent toujours le même problème. Ce problème, c’est de pouvoir prendre des décisions à partir de leurs datas marketing. Il y a un souci récurrent au niveau de la qualité de ces données et de leur mise à disposition (elles sont éparses et mal exploitées). C’est à ce moment que je lance QUANTI:, une solution technologique pour collecter et réconcilier 100% des données marketing afin d’optimiser la performance économique des actions marketing (campagnes et sites web).
Et enfin, depuis 2022 : avec les contraintes de privacy et de la CNIL, qui sont venues complexifier la chaîne de valeur des données marketing (avec pléthore d’outils comme GA4, la BI, le recueil du consentement, les data lakes, les CDP, etc.). Le problème avec tout ceci, c’est qu’aujourd’hui, quand je demande à un e-commerçant ou à un générateur de leads combien il a fait de nouveaux clients le mois dernier sur Google ou Facebook, il ne sait pas me répondre.
Cet excès d’outils et de complexité est un problème majeur. Car personne ne sait fournir de réponses claires à des questions business essentielles, du type :
- Quel est le levier marketing qui m’a permis de faire le plus de marge possible hors soldes (et de déstocker efficacement en soldes) ?
- Quelle est ma source d’acquisition qui génère les taux de retour produits les plus intéressants ?
- Quelles sont les campagnes qui m’apportent les meilleurs leads actuellement ?
Pour toi, c’est plutôt la profusion technologique ou les contraintes récentes en matière de privacy qui ont complexifié cette analyse des données marketing ?
Ce sont les deux cumulées. La CNIL a exigé un consentement préalable pour pouvoir collecter la data marketing. Cela a mis à mal les processus de recueil des données, notamment via Google Analytics, et empêche depuis de pouvoir répondre clairement aux questions business (cf les exemples que je viens de donner).
C’est pourquoi, chez QUANTI:, je me suis attaqué à ces deux sujets :
- La question technologique : comment rassembler les données de manière simple et au même endroit (pour que le client redevienne enfin propriétaire et en maîtrise de ses données marketing) ?
- La question privacy : comment s’assurer de collecter 100 % de la donnée (et non pas 60 % à cause du consentement) ?
Cela implique de relier et de centraliser les informations de sources diverses (CRM, Analytics, sites web, etc.). Et de s’assurer de recueillir la totalité des données.
Justement, comment faire pour recueillir 100 % de la donnée aujourd’hui (alors que la CNIL veille au grain) ?
En fait, le gros problème des données en marketing, c’est qu’on a eu tendance à envoyer toutes nos données à des tiers (via des outils supers et gratuits, comme Google Analytics). Et c’est un problème parce que, quand il y a des tiers qui stockent les données de vos clients, vous devez demander un consentement. Vous perdez alors beaucoup de données en route.
La solution face à ça, au regard des + de 20 DPOs ayant validé QUANTI:, c’est d’avoir une approche complètement différente en redevenant propriétaire de vos données (au lieu de les déléguer à un tiers). C’est ce que je fais avec QUANTI:. J’aide mes clients à stocker les données directement dans leurs propres Data Warehouses, sans dépendance à des tiers, et surtout sans que QUANTI: stocke ces mêmes données.
Dans ce cas de figure, il faut aussi respecter le privacy by design du RGPD. C’est-à-dire que les données doivent être non signifiantes (pas identifiables personnellement). Ce qui importe, ce n’est pas de savoir que le client s’appelle Clara ou Jean-Michel, mais plutôt qu’il a été amené par Google ou Facebook par exemple.
Autrement dit, il faut se focaliser uniquement sur la finalité d’un point de vue marketing. Surtout que le consentement n’est pas la seule base juridique du RGPD.
Le respect du privacy by design est essentiel. Ce sujet m’est remonté régulièrement par les DPO des entreprises avec lesquelles je travaille (ainsi que par mon cabinet d’avocats en propriété intellectuelle). C’est pourquoi j’y suis très vigilant avec la solution QUANTI:, qui propose une suite de Datas Marketing exploitables et RGPD compliant.
As-tu des exemples de problématiques-types que tu adresses ?
Oui bien sûr. Il y a deux gros sujets dans le Consulting Analytics tel qu’il existe aujourd’hui :
1 – La partie Acquisition Média (Ad Centric) :
“Quelle est la performance de mes leviers publicitaires ?”.
Mon métier ici, c’est de mettre en place un système de mesure pour évaluer la performance de ces différents leviers sur lequel a investi le client.
2 – La partie Conversion (Site Centric) :
“Est-ce que mon dispositif digital (application, site web) remplit bien sa fonction en aidant l’utilisateur à atteindre l’objectif pour lequel a été créé ce dispositif ?”.
Mon rôle ici est de me pencher sur la performance concernant la conversion.
Par exemple, j’interviens pour mettre en place le système de mesure permettant de savoir quel est le levier marketing le plus contributeur au Chiffre d’Affaire net (c’est-à-dire réellement encaissé : hors retours, après retours, après refus de paiement) ou encore à la Marge brute Générée par l’entreprise (une question centrale, mais à laquelle on sait rarement répondre précisément).
C’est un indicateur bien plus important encore que le taux de conversion. Dans plusieurs cas clients, je me suis rendu compte que les meilleurs clients (ceux qui dépensent le plus) avaient besoin de faire plusieurs visites sur le site web avant de faire une commande. Ce qui fait chuter le taux de conversion (paradoxalement).
C’est pourquoi les KPI dans l’entreprise doivent être alignés, entre ceux du directeur général (objectifs de chiffre d’affaires et d’EBITDA) et ceux du directeur marketing (avec un budget marketing le plus contributeur possible au chiffre d’affaires de l’entreprise). Donc la priorité, ce n’est pas d’augmenter le taux de transfo à tout prix. C’est surtout d’avoir une vision client centralisée, en alignant les KPI des différents services avec le marketing de l’entreprise.
En quoi les Analytics viennent renforcer le rôle du CRM ?
Le rôle du CRM est d’animer les clients tout au long de leur cycle de vie. QUANTI:, via la centralisation des datas marketing a pour but de faire un trait d’union entre le marketing et le CRM. Car votre CRM a besoin de savoir par quel levier ont été acquis vos meilleurs clients.
Si vous envoyez dans votre CRM des clients qui commandent qu’une seule fois, avec beaucoup de codes promo, c’est peut-être moins intéressant que s’il reçoit des profils clients à animer dans la durée (avec d’autres canaux, comme l’e-mail ou le téléphone).
Ainsi, si vous avez un client assez cher à ramener, mais qui fait très peu de retours de produits, la Relation Client est d’autant plus facile à gérer (VS un client peu coûteux à recruter, avec un super taux de transfo, mais qui retourne 3 fois ses produits, qui appelle le service client 15 fois, qui ne fait qu’une seule commande, avec un paiement en 6 fois sans frais…).
La conclusion, c’est qu’il est parfois plus pertinent d’aller dépenser plus cher en acquisition si la Relation Client derrière est top. Surtout dans un contexte où les CAC (Coûts d’Acquisition Client) ne font qu’augmenter. Et cela nécessite de faire le lien entre l’acquisition et les données clients. CQFD.
Comment faire pour ne pas passer trop de temps à traiter de la donnée (plutôt qu’à l’exploiter pleinement) ?
C’est une question de méthode. La première chose, c’est de ne PAS partir des outils technologiques. Car il est aujourd’hui possible de récupérer toutes sortes de données (et c’est le meilleur moyen de vous perdre dans le champ des possibles infini qu’offre la mise à disposition de toutes ces données).
Demandez-vous plutôt :
- Vers quoi voulez-vous aller ? (Quels sont vos objectifs à atteindre ?)
- Comment pouvez-vous mesurer le succès du cap que vous vous êtes fixé ? (Quelles sont les metrics clés à suivre ?)
À partir des réponses à ces questions, vous pouvez utiliser la méthode des OKR. En partant de vos critères de succès, vous allez ensuite regarder techno par techno quel est le meilleur moyen pour recueillir les données pertinentes (c’est à ce moment-là qu’un outil comme QUANTI intervient). Et puis vous allez itérer et descendre progressivement dans le niveau de détail. C’est une méthode qui marche à tous les coups et quel que soit le secteur.
Selon toi, en quoi le marketing est-il avant tout une affaire de bon sens (cf le titre du livre de Drayton Bird) ?
Drayton Bird, David Ogilvy et tous ces gens-là sont ceux qui ont inventé le marketing direct et plus largement le marketing client (VS le marketing produit d’antan). Si on revient à la définition du marketing, c’est de faire une adéquation entre un client et un produit :
- Qui est mon client ? (Connaissance client, donc le CRM)
- Pour quel produit ? (Segmentation et offres)
- Et comment je cible ce client avec le bon produit (et le bon message) ?
Ce livre est particulièrement d’actualité. Car on a perdu un petit peu de ce bon sens dans le marketing aujourd’hui. Par exemple, quand vous allez dans un service marketing d’une entreprise ou d’un e-commerce, il y a de grandes chances que personne n’ait déjà vu un client ni même un produit.
C’est systémique. La gestion des flux de données (souvent trop abondante et mal exploitée aujourd’hui) est révélatrice de cette perte de bon sens. Car, ce qui compte à la fin, c’est quand même de donner le bon produit au bon client.
Ta citation favorite est : « Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément ». Intéressant pour un professionnel des données marketing. Peux-tu expliquer ?
Oui, c’est très lié au piège à éviter quand vous voulez bien exploiter la donnée marketing. Vous pouvez brancher plein de gros tuyaux de données, dans des grosses bases de données… Ces 20 dernières années, le coût du stockage cloud s’est effondré, c’est donc d’autant plus facile. Mais au-delà de ce fantasme actuel sur le Big Data, il y a plein de données qui ne comptent pas forcément pour les enjeux business de l’entreprise.
Et au contraire, certains éléments sont mal exploités, mal “comptés”, alors qu’ils comptent énormément pour pouvoir répondre aux questions qui importent. Ce n’est pas parce qu’on empile les outils et les stacks de données qu’on améliore l’efficacité de l’organisation. Cette citation met en lumière ce constat.
C’est un des pièges de la mesure du marketing digital depuis 10 ans : on sait donner un taux de rebond, un nombre de pages vues par event, le pourcentage de scroll sur les pages, le temps passé sur chaque page, le taux de transfo… Mais la question “combien me coûte un nouveau client sur Facebook le mois dernier ?”, ça on ne sait pas y répondre.
Au sens large, c’est la contribution directe du marketing à la création de valeur qui est le vrai problème. Il est temps d’y remédier !
Quelles sont les valeurs qui t’animent au quotidien ?
J’en vois 3 principales :
- Le respect mutuel
- L’entraide
- L’exigence
… Et puis le fun. Il faut bien s’amuser dans ce qu’on fait, sinon à quoi bon !
Propos recueillis et retranscrits par Thibaut Huertas.
Sur un thème proche, voir également l’article sur le marketing prédictif.