Clément Galopin nous parle de son métier d’Expert data, CRM & CDP
Article mis à jour à la suite d’une nouvelle interview réalisée en août 2024.
Clément Galopin a évolué d’un rôle de consultant en CRM et stratégie digitale à celui de spécialiste data & CDP (Customer Data Platform). Il a par ailleurs cofondé et dirigé la CDP Octolis.
Clément apporte aujourd’hui son expertise transverse autour des enjeux digitaux et de la Donnée Client. Sa particularité ? Il sait faire parler les données des entreprises grâce à son expertise en data marketing. Voici ce que vous allez découvrir dans cette interview :
- Les 3 clés de succès de tout projet de CDP (sans ça, le projet est voué à l’échec).
- Le pré-requis avant même de vous lancer dans l’achat d’une brique logicielle aussi complexe que la CDP.
- Sa vision sur le marché actuel des CDP (et ce qui fait leur valeur ajoutée).
- Pourquoi la Data Client est le nouveau carburant du marketing.
- Ce qui fait aujourd’hui la force des profils “MarTech” (comme le sien).
Peux-tu nous résumer brièvement ton parcours jusqu’ici ?
Je travaille principalement en tant qu’indépendant sur des problématiques digitales et data. J’ai commencé ma carrière dans une entreprise de e-commerce à Berlin. Je devais développer un projet data et collecter des données marketing sur la concurrence. Mon travail a beaucoup plu, alors j’ai continué à travailler pour eux en tant que consultant. J’ai commencé à travailler pour l’agence Cartelis et de fil en aiguille j’ai effectué des missions pour CustUp.
Cela fait longtemps que j’ai une appétence pour la data. Je code depuis le collège et j’ai créé plusieurs sites durant mes études. Je me suis vite rendu compte qu’avoir des connaissances en code était un atout non négligeable, notamment dans le webmarketing.
En 2019, avec une équipe, j’ai développé Octolis, une CDP (Customer Data Platform), que nous avons commercialisé en 2021. La solution a ensuite été revendue en 2024 (à Brevo).
Depuis, j’interviens à nouveau en tant que consultant expert auprès de clients de tous secteurs (de KFC à Avenir Formation) sur leurs enjeux digitaux, data, CRM et CDP.
Justement, en parlant de Customer Data Platform : quelle est ta vision sur le marché actuel des CDP (et leur valeur ajoutée) ?
À la base, le marché des CDP a toujours été éclaté, car c’est une solution nouvelle, qui s’est constituée à partir de catégories préexistantes. On avait des CDP qui venaient de l’univers du tag management, d’autres qui venaient de l’univers de la gestion de campagnes marketing, etc. Petit à petit, ces différentes plateformes ont essayé de traiter de nombreux cas d’usage en même temps.
Le marché est désormais en train de se consolider. Il tend vers l’approche que nous avions avec Octolis, qui était de dire que les Données Clients doivent rester au sein de l’entreprise (dans un data warehouse par exemple). C’est très important que les entreprises restent en maîtrise de leurs données.
La CDP vient se brancher sur les data warehouses pour activer les différents cas d’usage. Sa mission première est de tirer du potentiel business des données, pas de faire la déduplication (par exemple). Les CDP qui décollent sont donc en train de se focaliser plutôt sur la partie activation.
Quelles sont les clés de succès de tout projet de CDP ?
La clé, c’est un bon cadrage avant tout. Concrètement, ça consiste à savoir précisément :
- Pourquoi faites-vous le projet de CDP ?
- Quelles sont les douleurs et les opportunités business auxquelles vous essayez de répondre ?
N’imaginez pas que le nouvel outil va régler toutes les difficultés business de l’entreprise. Au contraire, il faut d’abord avoir identifié ce que vous voulez faire de plus (ou de mieux) d’un point de vue Relation Client. Et seulement ensuite, vous déployez la CDP, à l’image d’une “super calculatrice” qui va fournir les bonnes données pour envoyer le bon message, au bon moment, à la bonne personne et via le bon canal.
Pour cette phase de cadrage, il faut des spécialistes métiers et des spécialistes techniques (autrement dit, des profils MarTech). Car ce type de chantier est au croisement entre le métier et la data.
Autre clé de succès : un déploiement rapide des premiers cas d’usage (avec un apport de ROI concret et mesurable). Les projets CDP sont des projets complexes, qui nécessitent un certain budget. Il faut justifier d’un ROI concret pour montrer que ce n’est pas un coût additionnel, mais un outil générateur de revenus.
Par exemple, on peut déployer très vite un premier scénario pour réduire le délai inter-achat à l’aide de la CDP. On obtient ainsi rapidement un premier résultat précis et chiffré.
Enfin, autre condition de succès d’un projet CDP : “dé-siloter” les différentes fonctions des entreprises pour réunir les données détenues d’un côté par les équipes marketing, de l’autre par les Sales, ainsi que celles du Service Client, etc. Au lieu d’avoir un parcours client morcelé (source d’opportunités manquées), il faut rassembler les différents maillons de la chaîne pour unifier toute la donnée et la vision client.
En quoi une meilleure circulation de la Data Client est-elle nécessaire dans ce contexte ?
La CDP est la colonne vertébrale de la Relation Client moderne, qui coordonne et transmet les bons signaux au bon moment et aux bons canaux. Mais si on ne lui donne pas le bon carburant (des données bien répertoriées), son efficacité sera moindre.
Il faut construire un socle data solide et commun aux différentes fonctions de l’entreprise. C’est un pré-requis important avant de même de vous lancer dans l’achat d’une brique logicielle aussi complexe que la CDP.
Faire circuler les bonnes données est nécessaire pour déclencher les bonnes actions, personnaliser les contenus et orienter le bon message. Il y a encore trop d’entreprises qui se disent que l’achat d’une grosse CDP (de référence sur le marché) va résoudre “magiquement” leurs problèmes. Mais après coup, ils se rendent compte que quelque chose ne fonctionne pas…
Il faut donc s’assurer que la donnée circule bien depuis toutes les sources vers les différents outils. Et vérifier que la connaissance client est dispatchée efficacement ensuite (depuis l’endroit où elle a été unifiée vers les autres SI). Chaque fonction pourra ainsi profiter à tout instant d’une vision à 360 sur les profils clients.
Tu as travaillé sur plusieurs missions avec CustUp. Peux-tu revenir dessus ?
J’ai été amené à travailler pour Françoise Saget, Burger King et Truffaut. Ma mission était d’apporter des insights liés au data marketing. Pour Françoise Saget, je me suis penché notamment sur un système de suggestions intelligentes de produits complémentaires basé sur l’historique d’achat. Pour Burger King, j’ai travaillé sur de la web analyse.
Je suis également intervenu auprès du journal L’Opinion et TRIBRating, un service de notation destiné aux PME. Pour L’Opinion par exemple, la problématique était de revoir les plans relationnels, le parcours client et les plans de collecte et d’activation. Il s’agissait de repenser l’ensemble du dispositif sur le site Web pour optimiser la conversion. Autrement dit, d’inciter les gens à s’abonner grâce à des scénarii de marketing automation.
Pour TRIBRating, je fais ce qu’on appelle de l’AMOA pour l’implémentation d’un projet CRM. Le cadre est particulier car il s’agit d’une entreprise internationale du secteur financier qui se lance. Forcément, il y a beaucoup de problématiques autour de la confidentialité de la donnée. Ce que j’aime dans cette mission, c’est le fait de traduire les besoins des clients afin qu’on les retrouve dans les logiciels que l’on implémente.
Enfin, un exemple plus récent avec la Maison Pierre Hermé : je suis en train de mettre en place des quick wins pour préparer un important chantier CRM à venir l’année prochaine.
Pourquoi as-tu décidé de devenir consultant en CRM digital à l’origine ?
Je me suis toujours intéressé aux problématiques digitales. Ce qui me plaît, ce sont les interlocuteurs et les projets variés. Les sujets aussi sont divers et je suis souvent amené à en changer quotidiennement. Ce que j’aime, c’est structurer un sujet et prendre de la hauteur. J’aime aussi chercher à utiliser des méthodes de travail agiles. Il y a une vraie émulation intellectuelle dans ce métier. Il faut à la fois être capable d’établir une stratégie et être capable de mener à bien le projet. C’est très complet et enrichissant.
Selon toi, pourquoi les entreprises font-elles appel à des consultants sur les questions digitales ? Elles n’ont peut-être pas les ressources en interne ?
Bien souvent, il s’agit de problématiques spécifiques. C’est assez dur de s’approprier un sujet en interne et de faire évoluer les choses sans apport extérieur. Finalement, faire appel à des personnes extérieures permet de soulever de nouvelles problématiques et de se faire challenger. Les entreprises ont souvent des besoins ponctuels, donc elles n’ont pas forcément besoin d’un expert en interne travaillant à temps complet sur tel ou tel sujet. L’enjeu est de susciter le déclic chez les entreprises pour qu’elles puissent le prendre en main par la suite.
À ton avis, est-ce que la différence Maîtrise d’Œuvre / Maîtrise d’Ouvrage tend à disparaître avec le SaaS et le No Code ?
C’est vrai qu’on a une évolution des solutions marketing vers du No Code (ou du Low Code). Cela a commencé avec les emails builders, avant de s’étendre vers les outils de workflow, les intranets, etc. En quelques clics, avec du drag and drop, il est désormais possible de faire des choses assez compliquées (qui nécessitaient auparavant l’intervention d’experts techniques).
Cette évolution a conduit à l’apparition de profils de “technologistes marketing” (comme le mien). C’est-à-dire des personnes capables à la fois de qualifier les cas d’usage métier, de faire les recommandations pour les mettre en place, mais aussi de superviser, voire parfois de mettre la main à la pâte.
L’efficacité est alors beaucoup plus importante quand on a une personne qui est capable de diagnostiquer le besoin et de comprendre comment y répondre d’un point de vue technique.
Ton profil est très centré autour de la data. En quoi consiste le data marketing exactement ?
Aujourd’hui, la donnée est le nouveau carburant du marketing. Le data marketing aide les entreprises à structurer, analyser et valoriser toutes leurs données clients. L’approche passe par de l’analyse générale et de la mise en place concrète de l’utilisation de la data. Le but est d’aider les entreprises à mieux exploiter la mine d’informations sur lesquelles elles sont assises. Finalement, elles sont peu nombreuses à savoir comment les utiliser.
Tu dis que la donnée est le nouveau carburant du marketing. Ce n’était pas le cas avant ?
Le fait de collecter les données clients répond à un fort besoin de personnalisation de l’offre qui n’existait pas autant auparavant. Le client s’attend à ce qu’on lui réponde de manière individuelle et précise désormais. Les e-mails généralistes, ça ne marche plus. Il faut donc faire parler les données pour être capable de répondre aux nouveaux besoins.
Comment la data peut-elle aider les entreprises à être plus pertinentes dans leurs messages ?
L’enjeu est double. La data permet de délivrer le message le plus adapté possible et de cibler les prospects les plus intéressants. Il y a deux logiques qui se dégagent : la personnalisation et le lead scoring. Au-delà de la segmentation, il faut essayer de savoir quel est le degré d’intérêt d’une personne.
Aujourd'hui, pour faire parler la data, on peut utiliser l'intelligence artificielle. Penses-tu que les entreprises doivent l'intégrer dans leur stratégie ?
Les départements marketing et ventes sont les plus concernés par l’arrivée de l’intelligence artificielle. Elle devient un support du business pour produire des messages de meilleure qualité à plus de personnes. Les recommandations des marques manquent souvent d’intelligence. Je pense que ce sera un enjeu important pour continuer à mieux cibler le public.
Propos recueillis par Jordane Feuillet et Thibaut Huertas.