Élise Maingueneau nous parle de Fidélisation Client

Grâce à son expertise en Marketing Relationnel 360 et en Fidélisation Client, Élise Maingueneau accompagne ses clients dans la construction de dispositifs de fidélisation. Pour cela, elle veille à ce que les entreprises prennent en compte toutes les clés de performance de ce type de projet : type de programme, outillage, conduite du changement, etc.

Élise Maingueneau se positionne aujourd’hui comme une consultante spécialisée en Relation Client (notamment sur les sujets de fidélisation). Voici ce que vous allez découvrir dans cette interview :

  • Le plan d’action en 5 étapes pour structurer une démarche de fidélisation en partant de zéro.
  • Pourquoi il vous faut impérativement identifier les 4 “moments de vérités” (si vous voulez vraiment faire de la Fidélisation Client).
  • Le budget moyen alloué à un programme de fidélité (pour vous donner un ordre de grandeur).
  • Les clés de performance d’un projet de fidélisation dans la durée.
  • Le sujet trop souvent négligé dès qu’on parle de déployer de nouveaux outils (CRM, RCU, CDP, etc.).
Interview d'une Experte en Marketing Relationnel et Fidélisation Client

Elise Maingueneau, Experte en Marketing Relationnel et Fidélisation Client (crédit photo : Emma Frery)

Découvrez la retranscription du témoignage d’Elise Maingueneau

Si tu devais scinder ton expérience professionnelle en 3 blocs de compétences, tu dirais…

Pour commencer, je dirais la Fidélisation Client. Depuis le début de ma carrière, j’ai travaillé sur la construction de programmes de fidélité en GSA, notamment chez les grands retailers alimentaires français (Leclerc et Intermarché). Chez CustUp, je développe la fidélité pour le compte de mes clients, aussi bien en B2C qu’en B2B.

Le deuxième thème sur lequel je suis experte est la création et la gestion de projet. C’est-à-dire partir d’une feuille blanche (un simple brief), construire tout le dispositif, avant de le mettre en œuvre (dans la durée). C’est quelque chose que je trouve particulièrement enrichissant. 

Enfin, le troisième bloc de compétences tourne autour de la communication (et plus globalement la Relation Client). Car j’ai aussi été directrice de la communication dans mes entreprises précédentes. Cela m’est utile pour me poser des questions essentielles, du type :

  • Qu’est-ce qu’on veut dire à nos clients ?
  • Comment faut-il leur faire passer l’information ?
  • Comment faire connaître notre dispositif de fidélité (par exemple) ?

Focalisons-nous sur la Fidélisation Client. Comment se structure une démarche de fidélisation en général ?

Nous pouvons identifier 5 grandes étapes qui reviennent systématiquement.

Étape 1 - Appréhender le contexte

En premier lieu, on essaie de comprendre le contexte et les enjeux de l’entreprise :

  • L’objectif principal est-il plutôt d’acquérir de nouveaux clients ou de fidÉliser des clients existants ? 
  • L’entreprise a-t-elle des fréquences de visite très élevées ou très faibles ?
  • Est-on sur des produits de grande consommation ou plutôt sur des produits premium ?

Étape 2 - Cerner le profil du client final

Selon ces différents enjeux, les dispositifs de fidélisation seront très différents. C’est pourquoi il faut également vous intéresser aux clients finaux. Quelles sont les cibles clients que l’entreprise veut toucher ? Et qui sont ses clients aujourd’hui ? 

On les définit en faisant des personas (lors d’ateliers). L’idée, c’est de construire des cibles sur lesquels on peut raconter une histoire. Par exemple : je m’adresse à Florence, 45 ans, 3 enfants, qui vit en région parisienne et qui aime se faire plaisir en achetant des macarons. Mais elle ne peut pas souvent en acheter, car il n’y a pas de boutique à côté de chez elle. Donc elle consomme surtout en e-commerce.

Étape 3 - Construire le parcours client

Ensuite, il y a un gros travail : la création des parcours clients. Pour cela, il faut projeter concrètement le client dans sa relation avec l’entreprise :

  • Quels sont les différents moments où le client entre en contact avec vous ? 
  • Comment il le fait ? 
  • Par quel canal il le fait ? 
  • Quelle expérience il vit à chaque fois ?
  • Qu’est-ce qu’il ressent ?
  • Est-ce que c’est positif ou non ? 
  • Pensez-vous que c’est une raison de fidÉliser ?

Étape 4 - Identifier les “moments of truth”

Au fur et à mesure de la construction de ce parcours client, on identifie les moments les plus importants. Ce sont les fameux “moments de vérité” lors desquels le client est confronté avec la marque. Il y a :

  • Le “Zero moment of truth” : le client fait des recherches sur le produit sur Internet.
  • Le “First moment of truth” : il voit le produit pour la première fois.
  • Le “Second moment of truth” : il achète le produit et le consomme.
  • Le “Third moment of truth” : après avoir eu l’usage du produit, il en parle à son entourage, y compris sur les réseaux sociaux (soit en bien, soit en mal).

Une fois ces quatre moments de vérité identifiés et positionnés dans le parcours client, demandez-vous comment l’entreprise peut répondre au mieux à ces moments-là (et l’expérience qu’elle veut faire vivre à son client). Autrement dit : sur quoi faut-il mettre les curseurs pour aider à fidÉliser le client ?

Par exemple, si dans ma boutique, le client a besoin de voir la gamme de produits et de les toucher, il me faut mettre à disposition tout un tas d’échantillons (pour passer du “First moment of truth” au “Second”). Il est par ailleurs très important de bien communiquer sur le sujet, notamment auprès des clients les plus fidèles.

Étape 5 - Poser des objectifs

Il est temps de définir des objectifs. Ils vont tourner principalement autour de l’augmentation de la Lifetime Value du client. Beaucoup d’entreprises n’ont pas connaissance de cette dernière :  il faut donc calculer cette LTV actuelle (à côté de la fréquence de visite et du panier moyen notamment), avant de vous projeter sur son évolution future. 

Une fois les KPI à plat, passons au choix des bons leviers (c’est-à-dire ceux qui permettront d’augmenter la durée de vie des clients) :

  • Un panier moyen plus élevé ?
  • Une fréquence de visite plus élevée ?
  • Un produit avec une meilleure durée de vie ?
  • Etc.

La mise en place d’un programme de fidélité est-elle systématiquement nécessaire ?

Non. Il est tout à fait possible de déployer des stratégies de fidélisation sans pour autant faire des programmes de fidélité. Notamment via la mise en œuvre de programmes relationnels. Concrètement, vous allez communiquer aux clients en fonction des étapes de leur parcours d’achat, mais aussi de leur réaction à certains stimuli et du type de produit qu’ils achètent. Vous les faites alors rentrer dans un tunnel de marketing automation pour leur pousser des communications (par email, SMS et/ou WhatsApp). 

L’intérêt des programmes relationnels (versus les programmes de fidélité), c’est que l’on peut piloter précisément le budget puisqu’aucune promesse n’a été faite aux clients. Autre point positif : il n’y a pas de contrat moral avec le client. Autrement dit, si vous voulez changer les récompenses proposées aux clients, vous pouvez le faire librement. Car les clients n’ont rien signé. 

Le programme relationnel est donc un moyen pour l’entreprise d’être beaucoup plus agile dans la gestion de son dispositif de fidélité. Et de réagir aussi beaucoup plus vite si vous vous rendez compte qu’un type d’offre ne fonctionne pas du tout. Le programme relationnel constitue ainsi une bonne première étape avant d’envisager un programme de fidélité plus complet.

Ce dernier a des avantages spécifiques. Il a pour principal intérêt d’embarquer toute l’entreprise autour d’un même objectif : fidÉliser des clients. Quand vous avez un programme de fidélité, vous communiquez en interne et vous en faites la pub en externe (auprès des clients). Les équipes sont, elles aussi, formées au programme. Il y a un grand projet collectif qui se met en place autour du programme.

Maintenant, ce qui joue en faveur des programmes de fidélité, c’est que vous disposez d’une plus grande connaissance client qu’auparavant (grâce à la Donnée Client). Il est donc possible d’être beaucoup plus précis sur le niveau d’investissement que vous voulez (et le ROI attendu par typologie de clients).

Admettons que je souhaite déployer un programme de fidélisation dans mon entreprise. Quelles vont être les clés de performance d’un tel projet (dans la durée) ?

Avant tout, ce sont des projets qui doivent être transverses. La Fidélisation Client va embarquer tous les services de l’entreprise : 

  • Le marketing (qui va construire le programme).
  • La communication (qui va devoir parler du programme en interne en externe).
  • L’IT (qui va nécessairement devoir se doter d’un outil et le rendre compatible avec les systèmes d’encaissement en boutique ou sur les sites e-commerce).
  • Les RH (il y aura un sujet de formation au niveau des équipes).
  • Le juridique.
  • La finance.

C’est donc important dès le début que tout le monde soit aligné sur ce que vous voulez faire, combien vous en attendez (rentabilité) et comment vous allez le piloter. Ce sont des décisions au niveau du comité de direction. Surtout qu’il s’agit d’un investissement non négligeable. En moyenne, Dans certains secteurs, il faut s’attendre à mettre entre 1 et 2% du chiffre d’affaires de l’entreprise sur un programme de fidélité. 

Une fois qu’on a décidé le montant à investir dans le programme de fidélité, il est temps de définir ce qu’il y aura dans ce programme :

  • Un programme à points ?
  • Un programme avec un cumul d’argent sur un portefeuille ?
  • Un programme purement relationnel (on peut y cumuler des points, sans remise financière, uniquement des expériences, comme le droit à un cocktail d’arrivée dans l’hôtellerie par exemple) ?

Il y a un arbitrage à faire à chaque fois entre relationnel et transactionnel (en fonction du marché sur lequel vous êtes présent). Dans un marché très transactionnel, comme le commerce alimentaire, le programme va consister majoritairement à faire des remises de prix. Alors que sur le marché du luxe, vous allez plutôt vous diriger vers des expériences à faire vivre aux clients.

Ensuite, il faut choisir un outil de fidélisation (il y en a plein !). Puis, il convient de faire des projets pilotes. C’est-à-dire que vous ne déployez pas directement le programme à une échelle globale. Vous vous focalisez d’abord sur un réseau de quelques boutiques ou une typologie précise de clients, à qui vous proposez le programme. En général, c’est au moins 6 mois de pilote.

En parallèle, vous mettez en place les indicateurs de mesure de la performance : les tableaux, les dashboards, les outils, etc. pour commencer à suivre le programme au quotidien. Et vous faites des reportings hebdomadaires à présenter au comité de direction.

Le sujet des Données Clients ressort beaucoup dès qu’on parle de Fidélisation Client. Peux-tu nous expliquer en quoi l’embasement est un levier incontournable dans tout projet de fidélisation ?

Il est essentiel de savoir de quelles données on a besoin au niveau de l’entreprise pour s’assurer que le programme de fidélité fonctionne (et qu’on atteint nos objectifs). Il y a toutes les données comportementales liées aux achats, mais aussi les “Golden datas” (les données dont j’ai besoin pour être capable d’activer mon client et de suivre sa performance). 

Une fois que vous avez défini ces Golden datas, il faut vous assurer de les récupérer au moment de l’embasement. Et c’est là que ça se complique. Car en général, un client qui s’embase, c’est un client qui n’a pas forcément le temps ou l’envie de donner beaucoup d’informations. Il faut donc recueillir les données dont vous avez absolument besoin pendant l’embasement. Les autres données pourront être  déduites des comportements d’achat.

Un exemple classique en grande distribution : si voulez savoir si votre client a des enfants, il est évident qu’il ne va pas le dire lors de l’embasement. En revanche, dès lors qu’il achète des produits pour enfants (petits pots ou produits d’hygiène), vous pouvez penser qu’il y a un enfant dans son environnement. Et le fait qu’il consomme régulièrement ce type de produits permet de le faire rentrer dans un cluster « famille avec enfants ».

Qui dit récolter les Données Clients, dit aussi avoir les bons outils… Quelles sont les “bonnes pratiques” que tu mets en place pour t’assurer que les entreprises adoptent efficacement les outils nécessaires (dispositifs marketing, CRM, outils data, etc.) ?

Il faut d’abord vous poser les questions suivantes :

  • À quoi ces données vont-elles servir (les cas d’usage côté métier) ? 
  • Êtes-vous en omnicanalité ? 
  • Êtes-vous en capacité de récupérer et de traiter efficacement ces données ?
  • Ces données sont-elles propres et fiables ?
  • Quel est leur niveau de complétude (par exemple si seulement 1 client sur 10 répond à une question) ?

À partir de là, vous aurez une meilleure idée du type d’outil qu’il faut choisir. Vous pouvez tout à fait vous satisfaire d’un Référentiel Client Unique dans un outil de fidélisation. Au début en tout cas. Très vite se posera la question du besoin en CDP (Customer Data Platform) pour unifier toutes les données des clients. 

Enfin, il y a un sujet trop souvent oublié dès qu’on parle d’outils : la capacité (ou non) des équipes à les prendre en main. D’où l’importance chez CustUp d’accompagner nos clients au-delà du déploiement des outils pour faire monter en compétences les équipes (et les rendre autonomes une fois les consultants partis). Cela prend entre 3 et 6 mois. La conduite du changement n’est pas donc à négliger. Au contraire !

Qu’est-ce que tu aimes par-dessus tout dans ton métier ?

Ce que je trouve le plus intéressant, c’est d’être confrontée à des problématiques clients différentes. Avec des marchés que je ne connais pas forcément. Comme en ce moment, où je travaille avec des acteurs des télécoms et des services à la personne. 

Je me rends compte qu’au-delà des secteurs d’activité, les problématiques sont souvent les mêmes d’un marché à l’autre. L’expérience acquise chez un client va donc m’aider à travailler sur d’autres clients, tout en leur apportant un maximum de valeur. C’est cette expertise que nos clients viennent chercher.

Les 3 adjectifs qui te décrivent le mieux (selon toi) ?

Engagée, créative et à l’aise pour conceptualiser et mettre en œuvre. Une fois qu’on a fait le constat et les recommandations, j’aime accompagner mes clients sur les sujets opérationnels.

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Propos recueillis et retranscrits par Thibaut Huertas.

Propos recueillis et retranscrits par Thibaut Huertas.